Le décideur et les incompétents

(Voir: Les animaux malades de la peste)

Une violence qui répand la terreur,
Mal que le ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la banlieue,
La délinquance, les trafics, appelons les choses par leur nom,
Capable d'enrichir en un jour les dealers,
Faisait dans ces cités la guerre.
Elles ne flambaient pas toutes, mais toutes en étaient frappées:
On n'y voyait que peu d'occupés
A travailler, à soutenir l’économie.
Nul travail n'excitait leur envie,
Ni employeurs, ni entreprises n'offrant
La douce et l'innocente joie
D’un salariat même sous-payé:
Moins d'argent, donc plus(+) de « joints ».
Un ministre tint conseil, et dit « Mes chers préfets,
Cher policiers, cher juges, chers éducs,
De nos erreurs cherchons coupable:
Que le plus incompétent d’entre nous
Se présente comme coupable aux yeux du grand public.
Pêut-être obtiendra t-on l’adhésion commune.
L’histoire nous apprend qu’en de telles circonstances
On fait pareil détournements.
Comme en exemple, je donne le ton :
Pour moi, satisfaisant mes besoins d’audimat,
J’ai insulté force jeunes lascars
A coup de « karsher », de « racailles »…
Même qu’il m’est arrivé de sucrer
Les subsides aux assocs de quartiers…
Je me dévouerai donc, s'il le faut: mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse plus que moi:
Car on doit souhaiter, selon toute injustice,
Qu’un autre coupable soit nommé.
-Monsieur, dit un conseiller, vous êtes trop sensible ;
Vos scrupules font voir plutôt habileté :
Sachez dont qu’exploiter la racaille, ses mots, son audience,
C’est une erreur ? Non, non, vous leur fîtes, de l’Intérieur ;
En les caricaturant, beaucoup d’honneur ;
Quand aux assocs, c’est bien pire,
Elles étaient dignes d’être appauvries,
Etant ces gens là qui sur des animaux,
Se font du beurre en subventions…
Ainsi dit le communicant et les flatteurs d’applaudir.
On n’osa trop approfondir,
Des ministères, institutions, ni des autres puissances
Les moins pardonnables incompétences…
Tous les décideurs, jusqu’au petits plantons
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
Un éduc vint à son tour et dit : « j’ai souvenance
Que dans la cave d’un jeune paumé,
La curiosité, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je roulai un oinje de la largeur de ma langue,
Pour le tendre ensuite à son propriétaire…
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut être honnête.»
A ces mots on cria haro sur le baudet.
Un directeur de centre éducatif, prouva par sa harangue
Qu’il fallait révoquer ce mauvais fonctionnaire.
Ce félé, cet idiot, d’où venait tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Rouler l'herbe d'autrui! quel crime abominable!
La fin de sa carrière seule était capable
D'expier son forfait: on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez en haut ou bien en bas,
Les jugements sans cour vous rendront blancs ou noirs.


...

2 commentaires:

Kikébab a dit…

Aucun commentaire ? Sans doute parce qu'on ne sait pas quoi dire, parce qu'on n'ose rien dire devant un tel festival. Bravo ! Vraiment !
M B Une autre façon de ne pas être dupes. DE NE PAS SE LAISSER FAIRE

Mais ce qui est terrible, ce sont tous ces mots, tous ces talents, toutes ces évidences qui ne servent à rien.

On l'élirait encore me dit-on.
Kikébab. yonne.lautre.net

JANCAP a dit…

je vous offre un fable revisitée qui a eu son petit succès sur le net, avant le 29/05/05...

L'EUROPEEN ET SES ENFANTS

Réfléchissez, militez, prenez de la graine :
Ce sont les peuples qui manquent le moins.
Un brave Européen, sentant le social en peine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.

Gardez-vous, leur dit-il, de donner notre Europe
Aux élites libérales et autres financiers.
Un trésor y est caché par les rentiers.
Je ne sais pas l'endroit ; mais dans la Constitution
Que l'on vous propose, vous perdrez vos droits.

Refusez ce texte, remettez l'Europe à l'endroit.
Discutez, proposez, bâtissez ; ne laissez nulle place
Où les peuples ne passent et repassent.
Le père à la retraite, les fils vous refusent ce projet,
Discutent, militent, construisent ; si bien qu'au bout du rejet,
L'Europe sociale montra son visage.

De trésor, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant son retrait
Que seuls les peuples peuvent faire un vrai projet.

Jean Caplanne, d'après "Le laboureur
et ses enfants" de Jean de La Fontaine,
Avril 2005, Landes - jancap@free.fr